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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 16:21

Article de Jean-Jacques Rosa et Philippe Villin paru dans le Figaro du 18 mai 2010

 

arton1555

 

 

 

L’euro se noie. L’euro s’est noyé. C’était prévisible. C’était prévu par beaucoup, et notamment par les auteurs de ces lignes, dès le début des années 90. Aujourd’hui, ce qui était prévu est arrivé. Au premier choc économique majeur, celui de 2007-2009, les économies nationales dissemblables de la zone, déjà affaiblies par des années d’euro trop cher, ont fortement divergé. Privées de la possibilité de dévaluer et de mener ainsi des politiques budgétaires adaptées à leurs particularités, plusieurs d’entre elles ont eu recours à des déficits budgétaires massifs pour amortir les effets de la grande récession. Et ces déficits, dans plusieurs cas, mettent en cause leur solvabilité.

 

Deux points essentiels sont à retenir dans la crise :

 

  1. Le fonds d’intervention de 750 milliards d’euros – obtenu de haute lutte par Nicolas Sarkozy – ne permet que de faire face au danger immédiat de liquidité, mais n’améliore en rien, sur le fond, la solvabilité des débiteurs. Bien au contraire, il va aggraver leurs difficultés en accroissant d’abord leur endettement et leurs charges d’intérêts. De plus, les plans d’austérité sévère dans lesquels s’engagent la Grèce, le Portugal et l’Espagne vont aggraver la récession, réduire les recettes fiscales, accroître les demandes d’aides sociales et de transferts, et donc creuser encore davantage les déficits publics. Des politiques déflationnistes appliquées à des économies en récession marquée, c’est la politique de Gribouille. Elle nous enferme toujours davantage dans le « tunnel Trichet », cette stratégie sans issue qui se voudrait irréversible. Elle conduit directement à la mécanique dévastatrice de majoration des dettes par la déflation, l’erreur dramatique qui a transformé la crise boursière en grande dépression dans les années trente, alors qu’une sortie de l’euro redonnerait à nos économies l’oxygène qui leur manque.

 

Tout cela pour sauver le dogme de la monnaie unique, raison majeure de la sous-performance de la zone au cours des dernières années, et qui demeurera si celle-ci est maintenue.

 

   2.  Mais de toute façon l’euro était déjà en voie de décomposition, et cela ne date pas d’aujourd’hui. Il y a eu plusieurs étapes :

 

a/ Tout d’abord, toutes les promesses de ses concepteurs ont été démenties.

 

L’euro « fort » (c'est-à-dire cher) était censé favoriser la croissance et l’emploi, contrairement à tous les enseignements de l’économie, mais conformément au credo officiel lors de sa mise en place en 1999. Toute l’évolution qui a suivi a confirmé le bien fondé de l’analyse économique et l’absurdité de cet argument de propagande.

 

L’euro devait aussi obliger à la convergence des économies nationales et leurs conjonctures jusque là relativement indépendantes, ou même divergentes, ainsi que leurs rythmes d’inflation. Il n’en a évidemment rien été.

 

Ainsi, non seulement l’euro fort a pénalisé, à des degrés divers, les exportations de tous ses membres vers les pays tiers, mais de plus, les divergences irrépressibles des coûts au sein même de la zone ont favorisé les exportations allemandes et laminé toutes les autres.

 

L’euro devait, par magie pure, constituer un « bouclier » contre les aléas de la conjoncture économique aussi bien que boursière, protégeant l’Europe des à-coups dont les infortunés pays tiers subiraient la rigueur. On a vu !

 

Il devait aussi parachever l’unification du grand marché européen en déterminant une convergence complète des prix et en instaurant une transparence parfaite pour le consommateur. Et là encore rien de tel ne s’est produit.

 

Il devait enfin marquer un progrès essentiel de l’intégration politique, mais il est aujourd’hui, à propos des politiques monétaires et budgétaires, un sujet majeur de discorde.

 

b/ En deuxième lieu, l’euro est déjà entré en déliquescence parce que les conditions initiales restrictives du traité de Maastricht, qui étaient censées assurer son bon fonctionnement, ont été passées par pertes et profits : le pacte de stabilité et de croissance limitait strictement l’importance des déficits publics que les gouvernements nationaux étaient autorisés à pratiquer. Il est mort aujourd’hui. Et si ces principes ont été jetés aux orties c’est bien parce qu’ils étaient totalement irréalistes.

 

Il était aussi prévu que la BCE n’interviendrait jamais pour refinancer un gouvernement national en difficulté. Elle rachète aujourd’hui les obligations grecques des banques pour leur éviter des pertes, qui ne résultent pourtant que de leurs seules décisions, et pour contribuer ainsi à refinancer la Grèce.

 

Quand à la sacro-sainte indépendance de la BCE à l’égard des pouvoirs politiques, on vient de voir que le principe en est aboli. Les dirigeants politiques lui ont dicté leur loi.

 

Les investisseurs internationaux ont tiré les conséquences découlant des perspectives déflationnistes que ces politiques accréditent, en révisant à la baisse les valeurs des actions des entreprises de la zone, ainsi que celle de l’euro. Ce dernier va continuer à baisser, et c’est une bonne nouvelle pour les économies européennes dont la compétitivité est en partie restaurée par la dévaluation monétaire, de façon très classique, sans malheureusement tenir compte de la situation spécifique de chaque pays comme pourrait le faire un ensemble de dévaluations différenciées.

 

        3.  Que faire ?

 

 

L’euro tel qu’il a été conçu est mort, submergé sous le poids des déséquilibres qu’il engendre. Sa remise à flot est impossible.  « Coordonner les politiques budgétaires » en Euroland signifie revenir en plus strict au pacte de stabilité qui, limitant étroitement les déficits budgétaires nationaux, supprime le seul amortisseur de conjoncture disponible et laisse les économies nationales à la merci de tous les cahots de conjoncture, ce qui est socialement inacceptable et ne règlera rien. C’est une fausse fenêtre ou un trompe l’œil pour les naïfs. C’est pourtant l’exigence allemande immédiate, qui fait fi de l’intérêt de ses partenaires.

 

L’euro ne pourrait éventuellement subsister qu’en tant que monnaie d’une fédération levant une majeure partie de l’impôt dans la zone, et qui comprendrait conjoncturellement et structurellement les pays économiquement les plus affaiblis par cette monnaie unique. Dans l’actuel Euroland les pays du sud, y compris la France, risqueraient ainsi de constituer progressivement un vaste « mezzogiorno » de l’Europe, ou l’équivalent, à beaucoup plus grande échelle, de ce que sont pour la France les régions assistées de l’outre-mer.

 

Mais instituer une Europe véritablement fédérale suppose nécessairement un vote des électeurs de chaque pays concerné. On ne saurait concéder en catimini à la Commission un examen a priori des budgets des Etats, soustrayant du même coup leurs politiques au processus démocratique. La fuite en avant vers le fédéralisme suppose de définir un périmètre, un projet, et d’organiser une ratification démocratique. Or on peut aisément imaginer l’issue d’un tel vote, au vu des réactions allemandes devant out aide à la Grèce.

 

 

En réalité, la seule voie possible, c’est de mettre à profit l’accalmie temporaire, et fragile, que les 750 milliards de prêts virtuels ont permis d’obtenir, et que la poursuite de la baisse de l’euro vis-à-vis du dollar peut conforter, pour organiser une restructuration – c'est-à-dire- un défaut partiel – de la dette des pays les moins solvables et le démontage de l’euro de manière organisée.

 

Dans la politique actuelle, toute la charge de l’aide financière à ces économies repose sur les contribuables des pays qui fournissent l’aide, et sur les sacrifices difficilement tolérables que doivent supporter les salariés des pays insolvables eux-mêmes. Il faut négocier un partage plus équitable entre pays surendettés, pays prêteurs, et banques qui ont souscrits des montants déraisonnables de dettes et de qualité douteuse émises par des pays aujourd’hui insolvables.

 

Ce partage assuré, et la faillite partielle étant convenablement gérée, la Grèce pourrait donner le signal de la sortie de l’euro sans catastrophe et dans un certain calme plutôt que dans l’affolement ou la débâcle. Plusieurs pays de la zone, instruits par l’expérience puisqu’ils n’ont pas voulu l’être par la raison économique initiale, devraient alors saisir cette opportunité de retrouver leurs marges de manœuvre monétaire et budgétaire, et de ce fait la voie de la compétitivité et de la croissance, grâce à la dévaluation et à l’étalement dans le temps de la dette, des efforts et des réformes.

 

Cela ne réclame de nos responsables qu’un peu de modestie et de bon sens. Est-ce vraiment trop demander ? L’arrogance et l’obstination de ceux qui nous ont conduits sur la voir du désastre doivent céder devant l’acceptation des réalités. Errare humanum, perseverare diobolicum.

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